EntreprisePortraits d'anciens Portée par Michel Desportes (Sup’Biotech promo 2015) et Louise Doulliet (promo 2014), Aéromate est une jeune start-up francilienne spécialisée dans l’agriculture urbaine qui souhaite verdir les toits de Paris. Un beau projet que nous détaille Louise, une entrepreneure qui, malgré son regard tourné vers le ciel, garde les pieds bien ancrés sur terre. Quels sont vos rôles respectifs au sein d’Aéromate ? Nous sommes tous les deux cofondateurs et travaillons à temps plein sur son développement : Michel occupe le poste de directeur général et je suis la directrice de la production. Quand est-ce qu’est née l’idée de la start-up ? L’histoire d’Aéromate a commencé lors des prémices de la COP21. Missionné par une entreprise américaine fabricante de système hydroponique, Michel a rencontré plusieurs élus à la mairie de Paris pour exposer la méthode de culture lors de l’évènement. C’est au cours de ces discussions que Michel a fait le rapprochement entre le potentiel des espaces inexploités à Paris et l’utilisation des systèmes hydroponiques. C’est ainsi qu’en septembre 2015, il lance le projet Aéromate et me contacte pour savoir si cela m’intéressait de le rejoindre dans cette aventure. Il faut savoir que nous nous connaissions déjà très bien grâce à Sup’Biotech. Sachant qu’après l’école, j’étais partie travailler dans le domaine des boissons biologiques, Michel m’a aussi contacté pour que je puisse apporter mon savoir-faire sur la production, la qualité et la R&D. Pour le coup, lui a plutôt un regard d’entrepreneur, axé sur le développement de société. Vous aviez déjà mené des projets communs lors de vos études à Sup’Biotech ? Exactement. Avec que Michel ne choisisse de faire une année de césure afin de visiter l’Australie et d’améliorer son anglais, nous faisions partie de la même promotion ! Du coup, nous avons eu plus d’une fois l’occasion de réaliser des projets autour des biotechnologies. Nous savions que nous pouvions bien travailler ensemble. Pourquoi avoir fait le choix de l’entrepreneuriat ? Il y a bien sûr l’envie d’être son propre patron, mais pas seulement. Comme nous adorons les plantes et sommes tous les deux écolos, nous avions aussi réellement l’envie de développer à notre sauce l’écologie à Paris. Enfin, Michel et moi sommes sensibles à tout ce qui touche à l’agroalimentaire et aimons manger de bons produits. Or, il est toujours délicat de mettre la main sur ces fameux bons produits dans une ville comme Paris. En les produisant sur place, nous pensons que les consommateurs y auront plus facilement accès. Louise et Michel, deux agriculteurs urbains Vous avez commencé à travailler sur le projet depuis septembre 2015. Comment évolue-t-il ? Il évolue très bien puisque nous avons déjà lancé une production sur un toit du 11e arrondissement et pouvons proposer une soixantaine de variétés disponibles selon la saison. Nous cultivons donc en hydroponie, c’est-à-dire en faisant pousser nos produits dans une solution composée d’eau et de nutriments qui nourrit les plantes directement à la racine. Cela nous permet d’avoir une très bonne productivité, avec une croissance cinq fois plus rapide qu’en terre, et d’être écologique en économisant 90% d’eau par rapport à une culture en terre. Aussi, nos produits sont très savoureux grâce au bon dosage des nutriments. Les retours des personnes ayant goûté nos premières productions sont d’ailleurs très positifs et nous poussent à continuer. En parallèle de ça, nous avons développé deux offres. La première consiste à vendre directement les récoltes aux commerçants – principalement les restaurateurs – se situant dans le quartier du toit utilisé. La seconde concerne les entreprises : nous leur proposons de mettre en place des potagers sur leur toit à destination de leurs employés. Dans les deux cas, nous commençons à avoir des clients. C’est bon signe pour la suite. Comment Aéromate trouve-t-elle ses toits ? On les cherche assidument ! Pour cela, nous avons plusieurs solutions. Tout d’abord, il y a l’appel à projets Les Parisculteurs auquel nous avons participé. Anne Hidalgo souhaitant végétaliser 100 hectares d’ici 2020, la ville de Paris a proposé 47 sites en ce sens et nous avons postulé pour quatre d’entre eux. Nous saurons en novembre la décision finale. Ensuite, nous sommes également partenaires avec une personne rattachée au Grand Paris qui nous aide à trouver d’autres toits susceptibles d’accueillir nos potagers. Enfin, nous participons à de multiples concours dans ce sens, comme le Matching UP de Bouygues Construction pour inventer les bureaux du futur. Est-ce que la pollution de l’air peut impacter vos récoltes ? Nous avons fait des analyses et il s’avère qu’on ne retrouve aucune trace de pollution dans nos plantes. Cela s’explique par l’hydroponie : les plantes sont nourries directement par de l’eau propre et pure, sans risque de pollution. Dans le cas d’une culture plus classique, c’est plus délicat car des dépôts de pollution peuvent entrer en contact avec la terre et être ensuite absorbés par les plantes. De plus, AgroParisTech a mené des études sur le sujet à Paris et les résultats montrent que les polluants sont surtout les métaux lourds qui restent cantonnés dans les premiers mètres au niveau du sol. Au-delà de 3 mètres, le taux devient plus faible, d’autant plus sur un toit. Avez-vous pensé proposer par la suite vos services à des copropriétés, voire des résidences étudiantes, afin que ces dernières puissent s’autoalimenter en fruits, légumes et plantes aromatiques ? Ce n’est pas encore d’actualité car, comme nous sommes seulement deux, nous avons déjà fort à faire avec deux offres à gérer. Notre premier objectif est de réussir cela. Après, si nous pouvons développer nos effectifs et nos offres dans le futur, pourquoi ne pas élargir le marché. Par ailleurs, nous avons déjà rencontré La Ruche qui dit Oui ! pour éventuellement créer une « ruche » sur leur site et permettre aux futurs consommateurs d’aller chercher directement leurs produits sur les toits. Nous réfléchissons aussi à la possibilité de nous rapprocher d’une AMAP, à transformer nos produits en jus, etc. Tous ces sujets seront abordés plus tard, quand la société sera stable financièrement. Revenons-en à l’hydroponie. Est-ce que cette technique empêche la production de certains produits ? Oui. Si certaines choses sont très simples à faire pousser dans l’eau, comme les choux, le basilic, les tomates ou encore les melons, d’autres nécessitent une technologie plus poussée. Je pense notamment à tous les légumes dits racinaires : les carottes, navets, betteraves, etc. Ces légumes ne font donc, pour l’instant, pas partie de la soixantaine de produits que nous proposons et dans laquelle on retrouve des légumes, mais aussi beaucoup de plantes aromatiques. Nous en avons des « classiques » – basilic, thym, romarin… – et des plus « rares », comme la menthe chocolat ou la Mertensia Maritima, une herbe exceptionnelle au goût d’huître. Et si, cet été, nous avons cultivé des poivrons, tomates et aubergines, nous ferons plus de choux et de produits de saison pour cet hiver. Combien de toits espérez-vous obtenir ? En comptant éventuellement le toit de 600 m² de l’appel à projets, on espère avoir deux ou trois autres toits supplémentaires d’ici l’année prochaine. Cela nous permettra ensuite d’affiner notre logistique et de rendre plus autonome nos toits en faisant appel à de la main d’œuvre pour la récolte et la distribution. C’est simple : notre objectif est de conquérir Paris ! En plus de ces beaux projets, Aéromate vient également d’intégrer la 2e saison de IONIS 361, l’incubateur national et multi-écoles du Groupe IONIS. Nous sommes effectivement chez eux depuis ce mois de septembre et ça se passe très bien. Les équipes de IONIS 361 nous apportent leur aide pour tout ce qui est juridique, comptabilité, etc. Grâce à leurs conseils, nous allons officiellement créer la société d’ici la fin du mois. Le fait de rejoindre cet incubateur nous semblait logique car, en plus d’appartenir au même groupe que Sup’Biotech, il est doté de belles terrasses à exploiter pour nos légumes ! Nous gardons aussi contact avec notre ancienne école via les Sup’Biotech Innovation Projects (SBIP). Pierre Ougen, le responsable des SBIP, nous a mis en contact avec une élève de 5e année, Constance Moisy-Meilhac (promo 2017), qui nous a été d’une aide précieuse pour le développement de l’appel à projet des Parisculteurs. Aussi, nous allons mettre en place un partenariat de recherche et de développement avec Vanessa Proux, la directrice générale de l’école. Nous les remercions tous pour leur aide précieuse dans cette aventure entrepreneuriale ! Retrouvez Aéromate sur son site Internet, Facebook, Instagram et Twitter Posté le 16/09/2016 Tweet Partager